Accident du travail et faute inexcusable de l’employeur
Qu’est-ce que la faute inexcusable de l’employeur ?
Au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, a le caractère d’une faute inexcusable, tout manquement à l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur.
La faute inexcusable peut être retenue lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Les juges mettent à la charge du salarié, l’obligation de rapporter la preuve que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.
Le seul témoignage du salarié n’est pas suffisant
La nature de l’obligation de résultat inhérente au contrat de travail, n’a pas pour effet de laisser penser qu’il suffirait au salarié victime de risque professionnel de se prévaloir de son dommage pour invoquer la non réalisation du résultat et portant la faute inexcusable de son employeur.
Ainsi, un accident du travail ne donne pas lieu à la faute inexcusable de l’employeur au regard de la définition donnée par la Cour de cassation.
Le manquement à l’obligation de sécurité ne permettait en aucun cas de caractériser la faute inexcusable de l’employeur. Cette dernière nécessitait, en réalité, pour sa qualification que le salarié démontre, d’une part la conscience du danger qu’avoir ou qu’aurait dû avoir l’employeur, l’absence de mesures nécessaires mises en œuvre pour préserver les salariés, d’autre part.
Toutefois, Il existe des situations dans lesquelles la faute est retenue de facto. Il s’agit des présomptions de faute inexcusable, légales, dites également fautes inexcusables de droit. Posées dans le Code du travail elles sont au nombre de deux.
- Article L. 4131-4 du Code du travail prévoit le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur pour le travailleur victime d’un accident du travail alors même que l’employeur avait été alerté du risque qui s’est réalisé.
- Article L. 4154-3, concerne les salariés précaires qui sont victimes d’un accident du travail alors même qu’ils n’ont pas bénéficié d’une formation à la sécurité, pourtant obligatoire.
Cependant, la faute commise par l’employeur ne doit pas nécessairement être la cause directe et déterminante de l’accident. Il suffit qu’elle ait été une cause nécessaire même si d’autres fautes ont concouru au dommage. Le risque doit être raisonnablement prévisible.
En revanche, il n’y a pas de faute inexcusable de l’employeur en cas de force majeure, d’absence de conscience du danger de la part de l’employeur ou bien en cas d’indétermination des causes de l’accident.
Exemples de situation où la faute inexcusable a été retenue
CA Caen, 2 mai 2020, no 16/02573 : faute inexcusable de l’employeur qui laisse un salarié effectuer son travail au contact d’une personne atteinte de la tuberculose sans matériel adapté et sans que des mesures d’information et d’isolement préventif ne soient prises.
Tass, Côtes d’Armor, sect. agricole, 11 sept. 2014, N° 21200014 : faute inexcusable d’une entreprise agroalimentaire qui n’a pas pris les mesures nécessaires pour pallier aux risques d’intoxication auxquels était exposé le salarié dans ses fonctions de réception des lots de céréales. Ces risques étaient normalement prévisibles, et l’employeur n’a pas assuré une information et une formation de ses salariés à l’utilisation des équipements de protection individuelle.
CA Riom, 14 mars 2017, N° 14/01891 : Faute inexcusable de l’employeur retenu pour le suicide du salarié. Dans cette affaire, une société qui a connu une baisse importante de son activité, a décidé de prêter les salariés d’agences dont l’activité a diminué aux agences manquant de main d’œuvre. Ces agences sont géographiquement éloignées, impliquant pour le salarié d’effectuer un déplacement engendrant des dépenses de logement, de repas, de trajet. Ces diverses dépenses font l’objet d’une indemnisation, plus ou moins suffisante selon les points de vue. L’un des salariés amené à travailler sur d’autres sites s’est suicidé. Les difficultés liées à sa relation de travail avaient déjà été constatées, notamment par le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail et ont conduit la cour à retenir la faute inexcusable de l’employeur.
L’indemnisation du préjudice professionnel en cas de faute inexcusable de l’employeur
Le salarié victime a droit à une majoration du capital ou de la rente qui lui a été attribuée. Par ailleurs, le salarié victime peut prétendre à d’autres types de préjudices, dont :
- Le déficit fonctionnel temporaire
- Les souffrances physiques et morales qu’elle a endurées,
- Le préjudice esthétique
- Le préjudice d’agrément
- Le préjudice sexuel
- Le préjudice d’établissement
- Les frais de véhicules adaptés
- Le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle
Mais lorsque le salarié est déclaré inapte en raison des séquelles de l’accident, il ne peut malheureusement prétendre à une autre indemnisation au titre de la perte de revenus ou de la perte des droits sur la retraite.
Le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, a retenu que si l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, dispose qu’en cas de faute inexcusable, la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peut demander à l’employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation de chefs de préjudice autres que ceux énumérés par le texte précité. C’est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale.
Ainsi, la perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude, est couverte, de manière forfaitaire, par la rente majorée qui présente un caractère viager. Elle répare notamment les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation.
Le salarié victime d’un accident du travail peut prétendre :
- A des indemnités journalières destinées à compenser la perte de salaire dès le lendemain de son arrêt du travail
- Au remboursement de tous les frais de soins nécessaires à son traitement, sa réadaptation fonctionnelle, sa rééducation professionnelle et son reclassement.
- Une rente ou un capital : Si l’accident de travail a laissé des séquelles, la victime atteinte d’une incapacité de travail permanente doit percevoir une indemnisation. Une rente viagère ou un capital dont le montant varie selon le taux d’incapacité qui lui est retenu. Elle doit être versée , à partir du lendemain de la date de consolidation de la blessure.
Covid-19 et faute inexcusable de l’employeur
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, et le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, pour obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable doit démontrer que l’employeur avait conscience du danger et qu’il n’a rien fait pour le préserver.
Sur la conscience du danger : les campagnes d’informations et de sensibilisation mises en place par le gouvernement depuis plusieurs mois a pour but d’attirer l’attention de tout un chacun, en particulier des employeurs sur le danger que représente la Covid-19.
Il ne serait donc pas difficile à un salarié de rapporter la preuve que son employeur n’a pas pris conscience de ce danger malgré les campagnes répétées à la fois du gouvernement, des services de la médecine du travail, etc…
Par ailleurs, le salarié doit démontrer que son employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour le protéger, malgré sa connaissance du danger.
Le salarié doit rapporter cette preuve en fonction de son emploi, c’est une situation qui doit s’analyser au cas par cas. Par exemple pour une caissière à qui l’employeur n’a pas fourni les gants, les masques, n’a pas installé des cages en plexi glass pour la séparer des clients, mis à sa disposition de gels hydro alcooliques, que la distance d’un mètre au sol n’a pas été matérialisée, que l’employeur a été défaillant dans l’affichage des consignes de sécurité sur les « gestes barrières.
Le salarié devra rapporter la preuve que même si ces mesures ont été prises, elles ont été insuffisantes pour le protéger.
Rappelons qu’à ce jour, la Covid-19 ne peut être inscrite comme un accident du travail.
Commentaires (2)
Bonjour
J’ai reçu un plaque de faux plafond sur le cou en choc direct. Entorse cervicale 1 mois d’arrêt, suivie de névralgie 7mois de douleurs et travail temps partiel.
Une plaque était déjà tombée avant sans accident corporel declaré et aucune démarche n’avait été faite sur le bâtiment.
La faute inexcusable incombe elle a l’employeur? Dois je exercer recours contre le propriétaire de l’immeuble ?
Une indemnisation des préjudices douleurs etc… au delà de la prise en charge du salaire est elle envisageable ? Merci
Coco,
Il appartient au salarié victime d’un accident du travail de prouver la faute inexcusable et d’établir que l’accident (ou la maladie) résulte d’un manquement à l’obligation de sécurité de la part de l’employeur.
A votre disposition,
Cordialement.